Description
POLITIQUE NATIONALE DE L’EAU DU CAMEROUN
La problématique de l’eau est une question majeure de développement. En raison du caractère non substituable de cette ressource naturelle, la communauté internationale se mobilise aux côtés de l’État afin que l’eau et l’assainissement soient accessibles à tous ; ainsi que la sécurité alimentaire et la promotion de la gestion intégrée des ressources en eau au plan national et transfrontalier. Au cours des dernières décennies, l’Etat a consenti d’énormes sacrifices pour améliorer la contribution du secteur de l’eau au développement du pays. Efforts matérialisés par l’importance des investissements financiers et humains mobilisés pour le développement du secteur. Les résultats bien qu’encourageant, appellent à davantage d’efforts de la part de la communauté nationale. En effet, de réels problèmes perdurent dans les sous-secteurs comme : (i) l’accès à l’eau potable pour une frange importante de la population ; (ii) l’assainissement dans les agglomérations et (iii) la coordination des investissements dans le domaine de l’eau.
La problématique de l’eau au Cameroun, doit par ailleurs tenir compte de l’évolution observée dans le contexte et les enjeux de développement du pays d’une part, et les nombreuses mutations importantes qui ont vu le jour avec le temps d’autre part. Sur ce point on peut citer entre autres : (i)
le niveau élevé de la pauvreté au sein d’une frange importante de la population ; (ii) la question importante des changements climatiques qui affectent les politiques sectorielles de développement et menacent de plus en plus l’environnement ; (iii) la pression importante et croissante sur les ressources naturelles, dont l’eau ; (iv) le désengagement progressif de l’État des activités de production et son recentrage sur ses missions régaliennes ; (v) le processus de décentralisation qui confie diverses compétences aux collectivités territoriales décentralisées; et (vi) l’existence d’une dynamique sous/régionale pour la gestion des eaux transfrontalières.
A côté de ces éléments, il faut aussi prendre en compte, les paramètres fondamentaux et déterminants du contexte du pays qui influencent de manière significative les enjeux liés aux ressources en eau, ont pour nom : (i) le rythme de croissance de la population ; (ii) l’envergure et la
localisation de la demande en eau suivant les différents usages pour le développement continu du pays ; et (iii) la disponibilité des ressources en eau au plan quantitatif et qualitatif.
Ce contexte global, doublé de la nécessité de prise en compte d’une part, des orientations de la vision prospective de développement du Cameroun à l’horizon 2035, et d’autre part, des mutations au plan international liées aux Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon 2030, justifie pleinement la mise en œuvre du processus d’élaboration du document de « Politique Nationale de l’Eau ». L’absence d’une vision prospective de la contribution du secteur de l’eau au développement durable du pays constituera un handicap certain en raison du caractère transversal de l’eau, dans les différents secteurs de développement du pays.
L’élaboration d’un tel document de référence pour l’ensemble des acteurs du pays, nécessite au préalable une compréhension d’ensemble de la problématique des ressources en eau en termes d’enjeux ; une identification et une évaluation des défis et opportunités à différentes échelles du pays et au niveau transfrontalier, ainsi qu’une analyse des tendances lourdes qui se dégagent en rapport avec l’eau au niveau des secteurs clés de développement du pays, tout en prenant en compte les grandes orientations en matière d’eau au plan international.
Le présent document de « Politique Nationale de l’Eau » s’inscrit dans cette perspective et vise dans une première étape à : (i) identifier les acquis et les insuffisances dans le secteur de l’eau ; et (ii) formuler les fondamentaux à mettre en avant en l’état actuel de l’évolution des différents compartiments de la vie socio-économique en rapport avec l’eau, dans la perspective de dégager les éléments pertinents pour l’élaboration du document de «stratégie du secteur de l’eau » conforme aux ambitions de développement du pays.
La structuration du document couvre tous les aspects devant permettre de faire une lecture critique et poser les bases d’une planification stratégique du secteur de l’eau au plan : (i) de la connaissance et du suivi des ressources en eau(ii) des différents usages de l’eau ; (iii) de la gouvernance du secteur de l’eau et (iv) des principes et fondamentaux devant encadrer le développement du secteur. Le document propose par ailleurs des actions pour l’élaboration du document de «stratégie du secteur de l’eau » à l’horizon 2035, tenant compte des conclusions issues de la lecture critique de l’ensemble du secteur de l’eau et des réflexions au niveau international dans le cadre des ODD.
En ce qui concerne les usages des ressources en eau, les problématiques sont différentes d’un usage à un autre et il importe de relever que l’agriculture reste le plus grand consommateur des ressources en eau au plan national (plus de 60%). Au cours des dernières années, plusieurs défis majeurs sont apparus en lien avec l’exploitation des ressources en eau. Ces défis préoccupants ont pour nom : (i)
l’impérieuse nécessité de la connaissance et du suivi adéquat des ressources en eau du pays ; (ii) la pollution croissante résultant du développement des pôles d’activités industrielles, agricoles et minières ; (iii) la nécessité de promouvoir la réalisation d’infrastructures structurantes de valorisation économique du potentiel important de ressources en eau ; (iv) la dégradation croissante
des infrastructures hydrauliques existantes ; (v) la réalisation dans les meilleurs délais d’un inventaire national des ouvrages d’Approvisionnement en Eau Potable et d’Assainissement (AEPA) liquide sur l’ensemble du territoire, afin de disposer des taux réels d’accès à l’eau potable et à l’assainissement de base, des différentes régions du pays ; et (vi) le besoin urgent de recouvrement des ressources financières nécessaires à la gestion durable des ressources en eau du pays, au titre de l’application des principes préleveur/payeur et pollueur/payeur.
La gouvernance du secteur de l’eau indique que des efforts importants restent encore à faire, notamment en ce qui concerne : (i) la coordination et le pilotage du secteur de l’eau ; (ii) le cadre juridique et institutionnel du secteur de l’eau ; (iii) le développement des ressources humaines au profit du secteur de l’eau ; (iv) le transfert effectif des compétences aux collectivités territoriales décentralisées ; (v) l’opérationnalisation de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) ; (vi) le financement du secteur de l’eau et (vii) la prise en compte des droits humains dans le domaine de l’eau.
Les recommandations jugées les plus pertinentes à l’issue de la lecture critique du secteur de l’eau portent sur les points suivants :
1. Développer et engager un plaidoyer auprès du Gouvernement, en vue de faire du secteur de l’eau, un secteur prioritaire au plan national au regard de son importance pour le développement de tous les secteurs d’activités du pays ;
2. Effectuer un suivi rigoureux et permanent de la dynamique de la population en croissance du pays en lien avec les changements climatiques, comme paramètre majeur à intégrer systématiquement dans la planification et la réalisation des ouvrages de mobilisation des ressources en eau pour les différents usages ;
3. Résoudre le problème de chevauchement de compétences du MINEE avec d’autres administrations de l’Etat en matière de connaissance et de suivi des ressources en eau, en repositionnant sans ambiguïté les compétences et attributions y relatives à la Direction de la Gestion des Ressources en Eau (DGRE) du Ministère de l’Eau, et de l’Énergie tout en lui dotant des moyens nécessaires à cet effet, un préalable à une gestion durable des ressources en eau du pays ;
4. Développer la connaissance sur les ressources en eau comme un enjeu important, en comblant par des études et des recherches appropriées le déficit de connaissances, préalable à une exploitation rationnelle et durable des ressources en eau.
5. Poser comme base que l’orientation majeure de la « Politique Nationale de l’Eau » aura comme ligne directrice, la satisfaction prioritaire des droits humains en matière d’eau des populations pauvres et des groupes vulnérables ;
6. Au regard de l’accroissement des pollutions sur les ressources en eau, prendre des mesures pour la bonne résolution de cette dernière problématique dans une vision de durabilité, ce qui suppose que deux conditions soient remplies, à savoir : (i) l’existence d’une situation de référence des paramètres à suivre en matière de pollution des ressources en eau (au niveau de chaque site minier, industriel ou zone potentiellement à risque de pollution), permettant d’effectuer une analyse comparative de l’évolution desdits paramètres ; et (ii) l’existence de capacités en termes d’équipements appropriés et de ressources humaines compétentes à même de conduire des analyses contradictoires avec les départements de l’environnement des sociétés minières, industrielles ou les autres structures sources de pollution des ressources en eau ; Développer une plus forte synergie entre les administrations en charge de l’eau et de la santé, afin que la Politique Nationale de l’Eau contribue de manière significative à l’amélioration de la santé des populations du pays ;
8. Le secteur de l’énergie hydroélectrique l’un des principaux consommateurs d’eau, devrait voir sa demande en eau passer du simple au triple dans les prochaines années. Même si l’eau ici n’est utilisée que pour faire tourner les turbines avant d’être restituée dans la nature, ce secteur d’activité devrait faire l’objet d’une gestion intégrée de la ressource pour éviter des
conflits d’usages avec d’autres secteurs très importants que sont l’agriculture, l’industrie, les mines, l’élevage etc. ;
9. Réaliser dans les meilleurs délais un inventaire national des infrastructures d’AEPA sur l’ensemble du territoire, afin de disposer des taux réels d’accès à l’AEPA des différentes échelles administratives du pays, et disposer d’un outil fiable de planification des investissements en matière d’AEPA, conformément au principe de développement harmonieux de toutes les Régions du pays ;
10. Mettre à profit le secteur privé dans une formule intelligente du Partenariat Public Privé (PPP) dans le domaine surtout de l’AEPA, apparait comme une des solutions à considérer en termes de perspectives, tenant compte de la baisse de l’aide publique au développement, et de la nécessité de garantir la pérennité des investissements. Une autre alternative méritant considération, serait la création d’une structure exclusivement consacrée au milieu rural ;
11. Développer et mettre en œuvre les actions innovatrices de la Stratégie Nationale d’Assainissement Total Piloté par les Communautés (ATPC) ;
12. Maintenir et accroitre la dynamique de réalisation des infrastructures d’hydraulique agricole afin d’une part, de contribuer à la réalisation de la sécurité alimentaire au plan national, et d’autre part, faire du Cameroun, une puissance de production alimentaire de la sous-région de
l’Afrique Centrale au regard du potentiel en terres et en eau du pays. Cette stratégie passe par une utilisation de techniques d’irrigation plus performantes en termes d’efficience de l’eau (exemple du goutte à goutte). Veiller à une intégration dans le cadre légal et réglementaire, d’un statut particulier aux Associations d’Usagers de l’Eau dans un contexte de décentralisation ;
13. Donner la priorité à la réhabilitation, à la consolidation des infrastructures hydroagricoles, du fait de l’absence d’une stratégie effective d’entretien courant desdites infrastructures, la logique de bonne gestion suppose que l’on accorde une importance prioritaire à la maintenance des investissements existants, au risque que les nouvelles infrastructures à réaliser se dégradent faute d’entretien.
Développer et mettre en œuvre d’une part, une politique de développement des ressources humaines au profit de l’administration publique de l’eau pour lui permettre d’assumer efficacement les missions qui lui sont dévolues, et d’autre part, renforcer les capacités des autres acteurs du domaine de l’eau pour qu’ils puissent mieux intégrer la dimension de la Politique Nationale de l’Eau dans leurs activités ;
15. Définir au plan conceptuel en matière de GIRE, le nouveau cadre de gestion des ressources en eau dont les fondamentaux porteront sur :(i) l’architecture institutionnelle comprenant les structures de gestion des ressources en eau et leurs instances; (ii) le cadre juridique approprié qui confère la légalité à l’architecture institutionnelle définie; (iii) les mécanismes de financement devant permettre aux structures de gestion des ressources en eau à l’échelle des bassins hydrographiques/aquifères(Agences de l’eau), de disposer de manière satisfaisante de ressources financières pérennes pour l’accomplissement de leurs missions; (iv) le Système d’Information sur l’Eau pour disposer d’une connaissance satisfaisante des ressources en eau en vue d’une gestion conforme à la GIRE; et (v) les aspects connexes (Ressources humaines, Genre, Changements climatiques, etc.). Il est donc urgent et impératif d’une part, d’achever l’élaboration du PANGIRE, et d’autre part, d’assurer son approbation par le Gouvernement pour passer à la phase d’opérationnalisation effective de la GIRE au Cameroun;
16. Développer et vulgariser dans tous les usages de l’eau, les technologies d’économie de l’eau, notamment au niveau de l’irrigation qui est le plus gros consommateur des ressources en eau;
17. Assurer le transfert effectif des compétences et des moyens financiers et humains pour permettre aux Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) de s’engager et de réussir le processus de gestion décentralisée. Les CTD ainsi que l’Etat doivent cependant veiller à garantir l’accès des populations les plus démunies à l’eau, par l’institution de mécanismes appropriés qui assure une certaine équité. Le développement harmonieux des régions, facteur
de cohésion sociale est ce prix ;
18. Intégrer les principes de bonne gouvernance dans la PNE comme : (i) le principe d’égalité ;
(ii) le principe de précaution ; (iii) le principe de prévention; (iv) le principe Genre ; (v) le
principe de non-régression ; (vi) le principe de redevabilité ; et (vii) le principe de
partenariat ;
19. Intégrer dans la PNE les orientations suivantes : (i) adopter l’approche « fondée sur les droits humains» comme ligne directrice de la Politique Nationale de l’Eau ; (ii) assurer efficacement la connaissance et le suivi des ressources en eau du pays ; (iii) promouvoir la réalisation d’infrastructures structurantes de valorisation économique des ressources en eau;
et (iv) promouvoir la bonne gouvernance du secteur de l’eau.
20. Créer un fond national de l’eau, dédié au financement des projets d’alimentation en eau potable et d’assainissement en milieu rural.
21. Créer une agence d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement en milieu rural sous la tutelle du MINEE, qui sera chargée de l’accompagnement des communes et la préparation efficace des projets d’alimentation en eau potable et d’assainissement en milieu rural.
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