Eaux usées : Une précieuse ressource

Dans le cadre de la 6ème édition de la série Ask The Experts sur le thème : « Valoriser les produits dérivés de l’épuration des eaux usées domestiques et industrielles », organisée le 25 avril 2023, par l’Association Africaine de l’Eau et de l’Assainissement (AAEA) en collaboration avec le Partenariat Germano-Africain pour l’Eau et l’Assainissement (GAPWAS), Justina Haihambo, Ingénieur des Procédés à Gammams Wastewater Care Works de Windhoek, au centre de la Namibie, a présenté un aperçu de la récupération directe de l’eau potable dans la ville de Windhoek.

La ville de Windhoek est située en Namibie, le pays le plus sec d’Afrique subsaharienne, et est également le centre des activités économiques, industrielles, universitaires, commerciales et politiques du pays. La mission de la ville de Windhoek est d’améliorer la qualité de vie de la population grâce à des services municipaux efficaces et efficients et d’améliorer la sécurité de l’eau. Lors du dernier recensement de la population et de l’habitation, la population de Windhoek était estimée à 341 000 personnes ; mais avec un taux de croissance de 4,3 %, elle est actuellement estimée à environ 441 700 personnes. La consommation annuelle d’eau de Windhoek est de 27 000 000 m3 /an, avec une augmentation annuelle d’environ 3%. Cette situation, associée aux facteurs ci-dessous, rend incertaine la sécurité de l’approvisionnement en eau de Windhoek :

  • Windhoek a le taux de croissance démographique le plus élevé, ce qui augmente proportionnellement la demande en eau ;
  • Windhoek est également synonyme de régimes pluviométriques irréguliers ou erratiques, qui se traduisent par les précipitations moyennes les plus faibles, avec des précipitations annuelles de l’ordre de 300 à 400mm. Ce faible taux de précipitations annuelles s’accompagne d’une évaporation annuelle élevée, de l’ordre de 3000 à 3500 mm ;
  • Windhoek connaît régulièrement la sécheresse et les rivières éphémères qui se trouvent à proximité de la ville sont pleinement exploitées ;
  • Les sources d’eau pérennes situées à proximité de Windhoek sont trop éloignées. Le fleuve Okavango, par exemple, se trouve à 700 km, et l’océan Atlantique à environ 3500 km.
  • Les principaux cours d’eau pérennes sont des frontières nationales qui prennent leur source dans les pays voisins, ce qui signifie que l’accord à long terme sur l’exploitation de l’eau ne peut pas être toujours garanti ;
  • Les sources d’eau potables proches de Windhoek ont été pleinement exploitées.

La chronologie du système d’approvisionnement en eau potable de Windhoek doit être comprise et prise en compte, pour permettre de comprendre comment les eaux usées constituent ou sont devenues une ressource précieuse pour la sécurité de l’eau. Windhoek a été établie en 1840 en partie grâce à la disponibilité d’eau souterraine provenant de sources chaudes permanentes. Jusqu’en 1960, la ville a continué à dépendre fortement des eaux souterraines provenant d’un champ de captage pour son approvisionnement en eau, malgré la construction de deux petits barrages publics sur des rivières éphémères en 1993 et 1958 respectivement. Ainsi, alors que la population a continué de croître rapidement, la ville a continué à connaître des sécheresses régulières en parallèle. Par conséquent, toutes les ressources en eau de l’époque ont tari, ce qui a rendu incertain l’avenir de la sécurité de l’eau. Le fait de dépendre fortement des barrages trop petits qui sont construits sur des rivières éphémères et de dépendre également des eaux souterraines pour l’approvisionnement en eau, a rendu Windhoek vulnérable en termes d’accès à l’eau ; cette vulnérabilité a renforcé l’idée de trouver des sources inconditionnelles pour l’approvisionnement en eau, ainsi que l’idée d’une récupération directe de l’eau potable. L’idée a donné lieu à la construction d’une usine de récupération directe de l’eau potable en 1968 afin d’accroitre l’approvisionnement en eau souterraine et en eau de surface qui, à l’époque, était devenu incertain et peu fiable. Ainsi, de 1970 à 1982, le système d’approvisionnement appartenant à l’État a été étendu à un système à trois barrages.

Depuis 1990, Windhoek s’appuie sur ce que l’on appelle le système d’approvisionnement de la zone centrale de la Namibie pour ses besoins d’approvisionnement en eau ou en eau potable. Ce système d’approvisionnement se compose des éléments suivants :

  • D’abord, l’approvisionnement en eau souterraine et le système à trois barrages est du ressort d’une entreprise publique appelée NamWater, qui est le service national de distribution d’eau et le fournisseur principal du pays ;
  • Ensuite, l’eau recyclée ou la récupération directe de l’eau potable, ainsi que la récupération de l’eau potable directement à partir des effluents d’eaux usée qui sont produits, est assurée par une station d’épuration des eaux usées appelée Gammams Wastewater Care Works.

Ce système de récupération directe de l’eau potable a été construit à une capacité initiale d’environ 4,8 méga litres par jour, qui a été augmentée au fil du temps. Mais à la fin de sa durée de vie, en pleine sécheresse sévère en 1997 et en l’absence d’une option durable d’approvisionnement en eau à l’époque, il a été décidé de construire une usine plus grande d’une capacité de 21 méga litres par jour. Une autre option durable de Windhoek pour réduire la demande en eau a été la mise en place d’un système d’approvisionnement en eau semi-épurée et irriguée. Celui-ci a été mis en place en 1993, à travers la construction d’un système de canalisation pour acheminer l’eau de l’ancienne usine de récupération directe de l’eau potable vers les terrains de sport, les écoles et les entreprises. Cette eau semi-épurée est également utilisée dans la station d’épuration municipale pour l’irrigation et le nettoyage général des équipements. Ce système d’approvisionnement en eau d’irrigation a été mis en place pour réduire d’environ 8% la demande en eau de Windhoek.

D’un autre point de vue, le système actuel d’approvisionnement en eau potable se compose des éléments suivants

  • Windhoek est indiqué dans le carré vert, au centre de la Namibie (voir le centre de la carte 1 en annexe). Le système à trois barrages appartenant à l’État a donc la plus grande capacité ; il s’agit du barrage d’Omatako (à 212km de Windhoek) qui est construit sur la rivière Swakop. En plus des précipitations, l’eau est complétée par un système plus au nord et un système appartenant à l’État appelé Von Bach supply scheme (système d’approvisionnement en eau souterraine). L’eau est ensuite pompée dans un canal appelé Eastern national water carrier (transporteur d’eau national oriental) situé à 430 km du barrage d’Omatako, et qui transporte l’eau jusqu’au barrage d’Omatako.
  • Il y’a également le barrage Von Bach, situé à environ 70km de Windhoek. L’eau est donc pompée du barrage de Von Bach et traitée dans la station d’épuration de Von Bach ; l’eau est ensuite acheminée vers Windhoek pour y être distribuée. Cette eau est ensuite mélangée à l’eau recyclée déjà potable ou à l’eau souterraine pour être distribuée.
  • Le barrage de Swakoppoort (à 125 km de Windhoek) est le plus grand ; il est construit juste en aval de la rivière Swakop.

La récupération ou la réutilisation de l’eau est connue en théorie comme l’une des principales alternatives pour réduire la demande en eau. Par conséquent, le graphique 1 de la présentation ci-jointe montre la consommation annuelle de la demande en eau par source pour Windhoek au cours des 55 dernières années. En général, le recours à la récupération directe de l’eau potable signifie que le volume d’eau requis à partir des autres sources conventionnelles est réduit, en particulier avec l’introduction du système d’approvisionnement en eau d’irrigation en 1993. La récupération directe de l’eau potable signifie également que dans des conditions métrologiques normales, les eaux souterraines peuvent être préservées pour une utilisation durable en cas de besoin ; par exemple, comme cela a été le cas pendant la sécheresse de 2013 à 2019, et plus particulièrement en 2019 lorsque Windhoek a connu « la pire sécheresse depuis 90 ans » avec des précipitations moyennes les plus faibles jamais enregistrées.

Au fil des années ou des 55 années, la demande en eau a continué à augmenter proportionnellement au taux de croissance ; cependant, il y a eu quelques réductions notables de la demande en eau, et le poids des sécheresses des années 1982-1983, 1996-1997, 2013-2019 ont principalement été attribués à la gestion de la demande en eau.

Il est important de noter que le succès actuel de la récupération directe de l’eau potable peut être attribué à des pratiques correctes et à des opérations efficaces de traitement des eaux usées. Par conséquent, sans un système de traitement efficace des eaux usées, il ne peut y avoir de récupération directe de l’eau potable. L’usine de traitement des eaux usées de Grammans Water Care est un élément important du succès continu de la récupération directe de l’eau potable.

Grammans Water Care Works est une station d’épuration biologique construite entre 1959 et 1961 et mise en service en 1963. Elle a été construite avec une capacité initiale de 9 mégalitres par jour, qui est passée à 25 mégalitres par jour, qui est sa capacité actuelle. Elle a été conçue pour traiter les eaux d’origine domestique. Les eaux usées industrielles sont détournées vers une autre usine, principalement dans le but de protéger l’usine de récupération directe de l’eau potable des déchets dangereux.

Cette récupération permet de procéder à une bonne planification pour la ville de Windhoek et le pays en général, et Gammans est un maillon important dans le cercle de l’eau car il permet de traiter l’eau qui est directement récupérée pour une utilisation potable afin de répondre partiellement à la demande d’eau potable de Windhoek.

Le graphique 2 (voir document joint) présente le flux d’eau entrant à Gammams, puis l’eau d’alimentation de l’usine de recyclage, et le produit des travaux dans l’usine de recyclage. 75% des effluents reçus à Gammams sont acheminés vers l’usine de valorisation directe. 85% de l’eau acheminée provient du système d’adduction d’eau de l’usine de recyclage direct. 92% de l’eau provenant du système d’adduction est produite et mélangée à d’autres sources conventionnelles pour être distribuées.

La réutilisation de l’eau étant reconnue comme la principale alternative pour réduire la demande ou la consommation d’eau, la Namibie en sa qualité de pays soumis au stress hydrique, doit trouver des moyens de tirer parti de toutes les gouttes d’eau usées pour accroître le potentiel de réutilisation. C’est pourquoi un autre projet de récupération directe de l’eau potable a été identifié comme l’une des interventions à moyen terme pour améliorer la sécurité de l’eau. Pour renforcer la faisabilité de ce projet, une amélioration de la station d’épuration Gammams Wastewater Care Works est nécessaire, ainsi que la mise en place d’une nouvelle station municipale qui permettra de garantir une quantité suffisante d’eau de bonne qualité.

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