Description
La gouvernance de l’eau dans les villes africaines
La pandémie du COVID-19 a mis en exergue les défis pressants liés à l’eau et à l’assainissement dans les villes africaines, soulignant et creusant les inégalités pour les 56% de la population urbaine vivant dans des zones d’habitats informels et comptant sur des toilettes partagées et des points d’eau publics pour le lavage des mains. Avec approximativement 100 000 décès liés au COVID-19 en février 2021 selon les statistiques disponibles à la date de publication du rapport, l’Afrique n’est pas le continent le plus durement touché, mais les villes africaines, aux côtés des gouvernements nationaux, compte tenu de la densité de population plus élevée en milieu urbain et du grand nombre de lieux de promiscuité tels que les marchés ou les transports publics, ont été à l’avant-garde de l’action politique menée pour contenir la propagation du virus.
Avant la pandémie, les pays et les villes du continent africain étaient déjà confrontés à des problèmes d’eau croissants. Par exemple, en Afrique subsaharienne uniquement, 40% de la population n’a pas accès à des services élémentaires d’approvisionnement en eau et 70% à un assainissement de base, et subit les problèmes récurrents d’inondations, de sécheresse et de pollution. Plus précisément, dans les zones urbaines d’Afrique subsaharienne, seulement 20% de la population a accès à un service d’assainissement géré en toute sécurité et 25% à un assainissement de base. Selon le rapport du Programme conjoint OMS/UNICEF de suivi de l’approvisionnement en eau, de l’assainissement et de l’hygiène (Joint Monitoring Programme, JMP), en 2017, 9% de la population urbaine au Libéria avait accès à un service d’eau géré en toute sécurité contre 99% en Afrique du Sud, et un creusement de ces écarts depuis 2000. Outre les problèmes récurrents de pénurie d’eau, les inondations constituent les catastrophes liées à l’eau les plus fréquentes et la plus répandue en Afrique, en particulier en Afrique subsaharienne où 654 inondations ont touché 38 millions de personnes au cours des 33 dernières années. Dans les villes africaines, les risques d’inondations (qu’elles soient pluviales, côtières ou fluviales) sont largement exacerbés par une urbanisation rapide, une croissance urbaine incontrôlée et l’expansion non réglementée des zones d’habitats informels dans les basses plaines inondables. L’eau contaminée représente un autre problème majeur en Afrique, puisque chaque heure, environ 115 personnes meurent de maladies liées à une mauvaise hygiène, un mauvais assainissement ou une eau contaminée.
En plus des transformations économiques que connait l’Afrique, des mégatendances liées au changement climatique, à l’urbanisation et à la croissance démographique accentuent la pression sur les ressources en eau et requièrent une attention particulière de la part des villes africaines pour faire face à ces défis. On estime que le nombre total de personnes vivant dans des zones urbaines confrontées à une pénurie d’eau permanente passera à 162 millions d’ici 2050. L’Afrique est également l’un des continents les plus vulnérables au changement climatique, les températures projetées devant augmenter plus rapidement que la moyenne mondiale tout au long du 21ème siècle, et les deux tiers des villes africaines sont exposés à un risque « extrême » de chocs liés au climat, en raison de la croissance démographique (4% par an) et de l’insuffisance et l’obsolescence des infrastructures urbaines. Pas moins de 86 des 100 villes à la croissance la plus rapide au monde sont situées en Afrique, la plupart s’étendant rapidement. D’ici 2050, deux tiers de l’urbanisation se fera dans les villes intermédiaires, dans lesquelles le développement des infrastructures est moins évident que dans les grandes villes. Dans un tel contexte, atteindre l’ODD n°6 visant à garantir la disponibilité et la gestion durable de l’eau et de l’assainissement pour tous est une
tâche ardue afin de ne laisser personne de côté, en particulier là où les conditions de gouvernance de l’eau ne sont pas en place.
Selon les Principes de l’OCDE sur la Gouvernance de l’Eau, faire face aux défis actuels et futurs liés à l’eau requiert des politiques publiques robustes ciblant des objectifs mesurables dans des délais prédéterminés à l’échelle appropriée, et reposant sur une définition claire des responsabilités entre les autorités concernées et régulièrement soumises à des contrôles de suivi et évaluation. La gouvernance de l’eau peut grandement contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre de ces politiques, dans le cadre d’une responsabilité partagée aux niveaux national, régional, et local, ainsi qu’au niveau des bassins, mais aussi en coopération avec la société civile, les entreprises et le plus large éventail de parties prenantes qui ont un rôle important à jouer afin de récolter les bénéfices économiques, sociaux et environnementaux liés à la sécurité hydrique.
Alors que la gestion des ressources en eau, comme de nombreuses autres politiques publiques, reste largement centralisée dans la plupart des pays africains, les villes ont un rôle de plus en plus important à jouer pour assurer et renforcer la sécurité hydrique. D’une part, les autorités municipales ont des responsabilités essentielles pour garantir la fourniture efficace, efficiente et inclusive d’eau potable et d’assainissement au titre des services publics locaux. D’autre part, les maires et les leaders locaux, qui sont plus proches des citoyens et des besoins locaux, peuvent contribuer de manière significative à la gestion de l’eau à la ou aux échelles appropriées au sein de systèmes de bassin intégrés, afin de remédier à la non-concordance entre les limites hydrologiques et administratives.
Sur la base d’une enquête sur la gouvernance de l’eau conduite auprès de 36 villes de toutes tailles en Afrique, ce rapport fournit un aperçu régional de la répartition des rôles et responsabilités en matière de gestion de l’eau, de l’existence et de la mise en œuvre de cadres institutionnels, politiques et réglementaires, ainsi que des déficits de gouvernance qui doivent être comblés afin de renforcer la capacité des autorités municipales à promouvoir la sécurité hydrique sur le continent.
Les principales conclusions de l’enquête sur la gouvernance de l’eau sont les suivantes :
- Dans une majorité de pays africains, la politique de l’eau est conduite au niveau national par un ministère de tutelle souvent chargé de la plupart des fonctions réglementaires, y compris la fixation des tarifs, la définition et le suivi des normes de qualité, ainsi que la protection et l’engagement des consommateurs. Un grand nombre de pays africains ont également mis en place des opérateurs nationaux pour les services d’eau, accroissant ainsi davantage le leadership national.
- La dernière décennie a vu croître le leadership des autorités locales dans le domaine de la politique de l’eau. Outre les politiques nationales de l’eau, une part importante des villes de l’enquête a adopté des politiques locales dédiées, des plans d’investissement et des programmes pour l’eau potable et l’assainissement (75%) ou la gestion des ressources en eau (42%). Une grande majorité (80%) des villes qui ont adopté de telles politiques locales déclarent qu’elles contribuent à surmonter la fragmentation sectorielle des politiques publiques qui génère souvent une mauvaise planification, un manque de cohérence de ces politiques et un mauvais alignement des
- Lorsqu’elles existent, ces politiques locales de l’eau facilitent généralement la coordination avec les politiques stratégiques de développement urbain telles que le logement, l’utilisation des sols et la gestion des déchets solides, et incluent des mesures sociales et des dispositions ciblées en faveur des catégories vulnérables de la population pouvant prendre la forme d’une garantie d’un volume d’eau minimum pour les besoins de base (comme à Al Hoceima, Cotonou et Brazzaville), une redevance de raccordement social et / ou un tarif social.
- En termes d’évaluation et de suivi, l’enquête montre une situation contrastée avec la moitié des villes disposant de données et d’informations partielles et incomplètes sur l’eau ne permettant pas de guider efficacement l’élaboration des politiques et la prise de décision au niveau local.
- Toutes les villes de l’enquête considèrent que le manque de financement constitue un obstacle majeur à la bonne gouvernance de l’eau, non seulement en raison de l’utilisation et de l’adoption limitées d’instruments économiques tels que les redevances prélèvement et pollution ; mais aussi parce qu’il faudrait entre 9 et 14 milliards USD par an pour assurer la sécurité hydrique sur l’ensemble du continent africain.
- Bien que moins de la moitié des villes de l’enquête signalent l’existence de procédures de passation des marchés et de principes de transparence budgétaire clairs, la corruption reste une préoccupation importante dans beaucoup de pays d’Afrique, l’Afrique subsaharienne étant la région la moins bien notée dans l’Indice annuel de Perception de la Corruption de Transparency International malgré une grande diversité sur le continent.
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